Nous étions enfin arrivés devant la légendaire école d'Ernelzya, symbole d'espoir et d'unification pour toute notre génération.

Et je n'aurais pas été dans un pire état si je m'étais retrouvé devant la salle du trône du roi de Pandémonium. Mon estomac faisait réellement des huit.
À ma répulsion naturelle pour les écoles s'ajoutait en plus l'impression que j'allais perdre une importante partie de moi même...
Mais je me devais de dissimuler mon appréhension à Annaë. Elle allait enfin entamer une nouvelle vie, loin des horreurs qu'elle avait pu vivre (ou commettre) par le passé, et je ne devais en aucun cas gâcher son bonheur, plus que légitime.

Arrivé devant la porte, deux gardes (ou plutôt des surveillants) stationnaient devant la porte, nous en interdisant ainsi l'accès direct. Bien évidemment, j'aurais dû me douter qu'on entrait pas dans un tel lieu sans avoir fait preuve de ses bonnes intentions.
Ce qui me faisait d’ailleurs penser que nous n'avions ni rendez-vous ni indices formels de la pureté de nos intentions. Et bien ma foi tant pis, je dirai la stricte vérité et puis nous verrions bien ensuite...

Bonjour messieurs, je suis vraiment désolé de vous importuner de la sorte en plein milieu de l'après-midi mais il serait urgent que je m'entretienne avec l'un des responsables de l'école. C'est au sujet de la jeune fille qui m'accompagne.

Bon pas super convaincant en fait la vérité... On avait environ 75% de chances de se faire renvoyer à coup de pompes dans le train.
Les deux surveillants se regardèrent et ne se firent qu'un simple signe de la tête avant de s'écarter et de nous laisser passer.
Soit on avait une bonne tête, soit la sécurité était très laxiste, soit les forces disponibles dans le château était largement de taille à se défendre, même si nous étions hostiles. Et quand on connaissait la réputation de quelques un des directeurs, je penchais plutôt pour la 3ème option. Mon maître leur vouait un grand respect et m'avait souvent narré leurs exploits guerriers...

Arrivés dans la cours, Ann' et moi attendions qu'un responsable se présente sous les regards curieux, voir inquisiteurs de certains élèves qui prenaient l'air dans la cours. Dieu seul sait ce qui pouvait passer par la tête de ma chère et tendre à cet instant...

Annaë me confia ses inquiétudes... Comme j'avais pu le ressentir, cette assemblée de jeunes personnes suscitait en elle des craintes et des interrogations nouvelles.

-Dis Ralyon... Est ce que j'ai l'air d'être vraiment très vieille ? J'ai peur que les autres élèves se sentent menacés par moi. J'ai peur d'être une menace pour les responsables eux-mêmes... Ou un ennui, une perte de temps...

Son inquiétude, bien que légitime, me fit sourire. Saisissez-t-elle toute la beauté du paradoxe que soulevait sa première question ?
Elle se sentait vieille et craignait de ne pas s'intégrer parmi tous ces jeunes gens... Une crainte d'adolescent dans l'absolue. Quant au reste...
Je repris en lui souriant.

-Ton âge n'a aucune importance... Moi qui suis si jeune, cela m'empêche t-il de t'aimer et de t'apprécier pour ce que tu es ?
Quant au fait d'être une menace, ne t'inquiètes pas, ton cas n'est sûrement pas si rare dans notre monde où il y a tant d'hybrides. Si les responsables sont à la tête de cette école c'est très certainement pour une très bonne raison.
Tu mérites ta chance et dans tous les cas je suis sûr que ne sera pas une perte de temps ni pour toi, ni pour eux.

Lui déposant un baiser, je lui murmurais un "je t'aime", ce qui eu le mérite de désassombrir son joli visage... Pour un instant tout du moins car la personne qui s'approchait à présent de nous lui fit presque instantanément repasser à son état craintif...
Et il y avait quoi. Un homme à la stature impeccablement droite, cheveux argenté, les yeux luisant d'une couleur violette qui semblait vous transpercer à chaque regard. Un regard fier, la fierté du guerrier avec un petit quelque chose en plus... Aucun doute, j'avais affaire à un démon. Et pas n'importe lequel. Tsukimeru Kaze No Yokai l'un des 5 directeurs de l'école d'Ernelzya... Le comité de réception était soigné.

Pas de chance, des 5 directeurs de l'école, c'était au représentant des démons que j'avais affaire. Pour peu qu'il classe tous les gens de ma profession dans le même sac (c'est à dire des mercenaires sans scrupules tuant du démon pour le sport ou pour le plaisir) j'avais tout intérêt
à peser soigneusement chacun de mes mots... Quoiqu'il en soit s'il me portait une quelconque rancœur, rien ne transparaissait de son visage.

Il s'inclina poliment avant de reprendre :

- Bonjour, je suis Tsukimeru Kaze No Yokai, l'un des dirigeants d'ici.

En se redressant il reprit d'un ton tout à fait égal :

- Qui êtes-vous et qu'êtes-vous venus demander à Ernelzya ?

Le ton était donné. Je n'avais pas à faire à n'importe qui, vu ses manières et son rang, il était certainement issu d'une caste de la noblesse démoniaque. Cela signifiait donc prendre deux fois plus de pincettes... Ma spécialité -_-
M'inclinant de la même façon en guise de salut, je commençai à lui expliquer les raisons de notre venue.

-Enchanté monsieur, je me nomme Ralyon Aldenart et mon amie ici présente se nomme Annaë. Nous avons fait un long voyage depuis Mythra pour vous demander votre aide... Ma compagne sera sûrement en mesure de vous en expliquer les raisons mieux que moi.

C'était assez "sale" de lui "refiler le cadeau" comme ça, mais il était aussi important pour moi de lui laisser la parole,tout d'abord parce que quelque part, c'était plus ou moins un entretien qu'elle passait à l'instant et que c'était à elle de montrer qui elle était.
Ensuite lui laisser la parole montrer que je témoignais mon respect à Ann' (en la considérant comme un être "humain" et non comme un simple élément de décoration) ce qui ne pouvait que me faire gagner quelques points auprès du directeur démon, qui s’imaginait peut être que ma chère et tendre n'était qu'une "proie" de plus que j'amenais aux autorités locales pour toucher ma prime. (ou je ne sais quelle autre horreur possible.)

Les paroles de ralyon me rassurèrent un peu. Mais je n'avais pas senti le regard de l'homme qui m'observait.
Je fus surprise par son arrivée, je ne pensais pas qu'on serait accueillis si vite.L'inconnu en imposait, il dégageait une autorité certaine. Je devinais sans trop de mal qu'il devait etre l'un des directeurs de l'école.
Il semblait avoir vécu tellement de choses.. Il nous observait, moi et ralyon, du haut de ses années d'expérience, impassible.
Rapidement après quelques mots échangés je sentis une tension entre ralyon et lui dont je n'arrivais pas à saisir la nature.
Je fus donc soulagée quand ralyon me laissa la parole.
Reproduisant les mêmes gestes que le directeur auparavant je me présentais :
« Je suis annae. Je vous suis très reconnaissante de nous accueillir dans la paix, car bien peu en sont capables... » J'hésitais à la suite. Je recommençais à me sentir mal à l'aise, mes yeux s'embuèrent avec la gêne.
« Vous pensez peut être que je suis une elfe, mais... ce n'est pas le cas. Je suis hybride. Hybride démon...»  J'essayais de me maîtriser.
« Bien que mes origines soient une partie de mon problème...Je viens vers vous car je suis une menace. Je ne contrôle pas mon pouvoir. »
C'est avec peine que je continuai 
« J'ai failli tuer cet homme la dernière fois que j'ai perdu le contrôle de moi-même. Je n'ai pas conscience de ce que je fais dans ces moments là... Ni de souvenirs...
Je pense que j'ai du passer une grande partie de ma vie dans cet état second... Comme... Plusieurs centaines d'années. » J'étais sur le point de craquer, ma voix tremblait.
« Je ne sais pas exactement quel genre de magie j'utilise dans cet état... Ce que j'ai pu faire subir aux autres durant ces années... »Je ne voulais pas essayer d'imaginer, alors je repris :
« C'est grâce à ralyon et à son maitre que j'ai pu retrouver un état à peu près normal. Mais dès que je ressens une émotion négative forte je ne contrôle plus rien.
Je ne peux pas continuer à être un tel danger pour la société, c'est pourquoi je me tourne vers l'école, vers vous monsieur. Je veux être en mesure de contrôler et de maîtriser mes pouvoirs. »

Annaë expliqua à Tsukimeru la raison de notre venue... Je la senti plusieurs fois sur le point de craquer mais elle avait pourtant réussis à tenir bon jusqu'au bout et ne pas se démonter. Et vu les faits évoqués, ce n'était pas une mince affaire...C'était décidément quelqu'un d'exceptionnel.

Je sentis alors quelque chose de nouveau poindre chez le directeur démon... Bien malin qui aurait pu le deviner, car il gardait toujours un air égal, et ce quelque soient les circonstances apparemment.
Mais on ne la faisait pas à quelqu'un capable de lire les âmes des autres... Et celle de Tsukimeru était assez exceptionnelle je devais bien le reconnaître : une grande fierté et une grande noblesse auxquels s'ajoutait un sens de l'honneur et des responsabilités très prononcé. Mais derrière on sentait aussi d'autres sentiments plus profond, plus sombres mais impénétrables... Incroyable. Peu de gens pouvait dissimuler les aspects de leur âme (la seul exception à ce cas était Shulia, bien qu'avec lui la dissimulation était encore plus parfaite pour une raison qui m'échappait toujours).
Cependant j'arrivais à "voir" une empathie naissante quant au récit qu'avait fait Annaë.
Avait-t-il était personnellement confronté à un cas similaire par le passé ?
Ce n'est certainement pas à moi qu'il allait le dire.

Il se mit alors à la rassurer, lui expliquant que le personnel de l'école était tout à fait apte à l'aider, et que dans tous les cas, elle ne représentait nullement un danger pour quiconque. Non sans oublier un petit tacle à la société Mythranne... Ce n'était pas faux dans l'absolu mais en bon patriote je me sentis légèrement blessé.

Mais au fond c'était du détail. Dans les faits, j'avais le sentiment de ne pas laisser Annaë entre les mains de n'importe qui et c'était tout ce qui comptait. À présent c'était à elle de décider...

-Alors Ann' qu'en penses-tu ?

J'étais soulagée d'apprendre qu'il existait des personnes ayant eu le même « problème » que moi, et qui surtout s'en était sorties.
« Oui tout à fait. Là où je suis née, je ne vaux rien en tant qu'hybride. Mon "père" n'a jamais accepté mes origines et a tout fait pour m'éloigner et me détruire. Je suis soulagée d'avoir trouvé un endroit de tolérance. »

Nous ne sommes pas qu'une école. Ce mot est simplement la surface d'Ernelzya. Alors oui, ma collègue à laquelle je pense sera la plus apte à vous aider. C'est une hybride, comme vous, sauf qu'elle est à demie-humaine.

« ça me plairait beaucoup de rencontrer votre collègue. Je pense qu'elle aura énormément à m'apprendre... » J'eus une petite grimace.
« Je suis soulagée d'apprendre que quelque chose sera en mesure de m’arrêter si j'ai une « crise ». Il paraît que ce n'est pas joli à voir. »

« Savez-vous quand est ce que je peux rencontrer votre collègue ? En attendant je peux essayer de trouver une auberge en ville, ou camper dehors s'il ne fait pas trop froid... » J'eus un rire nerveux.

[j'ai du mal à faire long pas taper pas taper x'D]

Aucun doute, Ann' semblait plutôt emballée par le fait de suivre des études dans ce lieu, et je ne pouvais que me réjouir pour elle.
Mais intérieurement j'étais maussade. J'étais devant le fait accompli : Annaë allait rester ici tandis que moi je devrais reprendre ma route...
À cet instant, j'aurais voulu me jeter à ces genoux et la supplier de me suivre, de rester avec moi

Mais je ne le pouvais pas. Elle méritait bien mieux que ça. Il fallait me rendre à l'évidence : j'allais devoir suivre mon chemin et elle le sien. Et puis ce n'était pas dramatique après tout, je pouvais toujours repasser pour la voir. J'étais heureux pour elle au fond et souhaitais ardemment qu'elle réussisse à être enfin en paix avec elle-même.

Et puis son enthousiasme était trop magnifique pour que je l'interrompe avec mes sombres considérations... La façon dont ses yeux brillaient, dont sa voix résonnait, dont ses membres s'animait... Tout cela finissait par me convaincre que rien, même moi, ne devait la retenir.
Tsukimeru lui proposa alors de passer la nuit ici... Ce qui signifiait que j'allais certainement passer la nuit seul à l'auberge.
Cependant il se retourna vers moi et me fit :

- Et vous ? Quels sont vos projets ? Resterez-vous avec elle ?

Pour un peu j'allais me pincer tellement je trouvais cela trop beau pour être vrai ! Evidemment je sautai sur l'occasion :

-Je vais passer la nuit avec elle et je m'en irai demain dans le courant de la journée. Mais avant cela j'aimerai savoir s'il serait possible de consulter les ouvrages de votre bibliothèque. Mon mentor m'a expliqué qu'un ouvrage très détaillé sur les techniques de combat visant à parer les assauts magiques et je souhaiterai ardemment le consulter.

Voyant son regard se durcir légèrement j'enchaînais :

-N'ayez crainte je ne compte absolument pas en faire un mauvais usages, mais mes récents déboires avec la jeune demoiselle ici présent m'ont fait réaliser que j'avais encore beaucoup à apprendre de l'art du combat...

Une autre question me vint alors à l'esprit :

-J'aimerai également savoir s'il me sera possible de revenir voir mon... amie de temps en temps. Je sais que je suis totalement étranger à votre établissement mais... c'est quelque chose de très important pour moi...

Tsukimeru ne m'avait peut-être pas spécialement à la bonne et entre ça et le coup de la bibliothèque, ça commençait à faire beaucoup niveau faveurs... Il était fort probable qu'il me renvoie dans mes pénates mais au moins j'aurais tenté.

Je me sentis bête. Evidemment je serais plus en sécurité dans l'école. J'aurais aussi pu blesser les gens de l'auberge.
« Oui c'est vrai vous avez raison. C'est avec plaisir que j'accepte, merci. »

Le directeur demande à ralyon quels sont ses projets.
-Je vais passer la nuit avec elle et je m'en irai demain dans le courant de la journée. Mais avant cela j'aimerai savoir s'il serait possible de consulter les ouvrages de votre bibliothèque. Mon mentor m'a expliqué qu'un ouvrage très détaillé sur les techniques de combat visant à parer les assauts magiques et je souhaiterai ardemment le consulter.

Je n'avais pas vraiment envisagé qu'un jour il s'en irait. Mais je devais absolument me controler si un jour j'espérais retourner avec lui, Je ne pouvais pas le remettre en danger comme avant.
Je ne connaissais pas l'intéret de ralyon pour les livres cependant. Pourquoi celui ci en particulier ?
Il avait visiblement peur de la réaction du directeur :

-N'ayez crainte je ne compte absolument pas en faire un mauvais usages, mais mes récents déboires avec la jeune demoiselle ici présent m'ont fait réaliser que j'avais encore beaucoup à apprendre de l'art du combat...

Je compris alors. Je me sentis coupable, et le rouge me monta aux joues. Je n'osais plus le regarder en face à ce moment là. Il fallait qu'il me raconte plus précisement ce qu'il s'était passé.
Il enchainait :

-J'aimerai également savoir s'il me sera possible de revenir voir mon... amie de temps en temps. Je sais que je suis totalement étranger à votre établissement mais... c'est quelque chose de très important pour moi...

C'était une bonne idée. « ce serait réconfortant pour moi de savoir qu'il pourrait à nouveau venir me voir. »

Reprenant mon souffle après ma très longue tirade, je laissai enfin à Tsukimeru l'occasion de s'exprimer :

- Avez-vous compris ce que je viens de vous dire ?

La phrase avait été dit sur un ton parfaitement calme, mais je sentis malgré tout mon corps se raidir. Avais-je dis quelque chose de stupide ?

- "Ecole" n'est qu'une façade. Ici, "école" ne signifie pas un lieu plein de gamins qui manquent d'expériences et qui apprennent des leçons. Ici, "école" signifie apprendre. Sur tout. Pour tous les âges. Pour toutes les situations. "Ecole" n'est qu'une façade. Ici, "école" ne signifie pas un lieu plein de gamins qui manquent d'expériences et qui apprennent des leçons. Ici, "école" signifie apprendre. Sur tout. Pour tous les âges. Pour toutes les situations. Nous avons tous une raison d'être ici. Tout le monde. Vous, ça sera pour maîtriser votre forme démoniaque. Vous, c'est pour elle. Cela suffit pour vivre ici le temps qu'il faudra.

Ce que me proposait Tsukimeru, pour, résumer c'était ni plus ni moins de rester ici... Et je ne savais pas quoi répondre. L'idée me révulsait autant qu'elle me tentait... Bien sûr que j'aimais Ann' et que je serais rester avec elle ici. J'aurai pu recevoir un enseignement approprié, profiter de la vie à ses côtés. C'était presque trop beau.

Mais dans tout ça, que devenait ma mission ? Les innocents, les familles que j'avaient jurer de protéger ? Je n'étais pas le plus grand guerrier que la terre ait portée, mais mes capacité faisaient parfois la différence. Mettre ma lame au service des autres était la vie que je m'étais imposé, l'objectif que je m'étais fixé. Rester ici eut été trahir cet engagement.

Il me faudrait expliquer à Tsukimeru, mais aussi à Ann'. À elle surtout. Lui faire comprendre que cela ne signifiait pas que je ne l'aimais pas.

- Je comprends parfaitement votre proposition M. le directeur et je suis très honoré de l'offre que vous me faîtes. Aussi ne m'en veuillez pas si je me vois contraint de la décliner. Recevoir votre enseignement eut certainement été un grand bienfait... Mais j'ai une profession, un but. J'ai vu des gens souffrir de la main d'être vils et cruels. Des démons souvent, mais croyez moi, j'ai pu observer que ces êtres n'avaient pas le monopole de la cruauté. J'ai également vu beaucoup de noblesse chez vos pairs et c'est pourquoi aujourd'hui le titre de chasseur de démons ne me convient guère plus. Je veux m'opposer à l'injustice sous toutes ses formes, sans regarder la race ou le rang de celui qui la perpétuera... Je suis jeune, inexpérimenté et je peux comprendre que cela vous semble insensé de refuser la proposition que vous me faîtes. Mais si mon cœur me dit de rester, ma raison me dicte de continuer mon périple à travers le monde.
Si vous me la proposez, j'accepte votre hospitalité pour cette nuit mais je ne puis rester plus longtemps. J'espère que vous comprendrez...

J’espérais que le tout n'était pas trop confus. J'avais parlé avec mon cœur, avec mes tripes, comme jamais je ne l'avais jamais fait auparavant. Il pourrait toujours me prendre pour un ingrat ou un fou certes, et peut-être que ce n'était pas tout à fait faux somme-toute. Mais je sentais que mon destin ne se trouvait pas auprès d'Annaë pour le moment... Mais ailleurs. Sans savoir où précisément. Je suivais le conseil de mon maître : me laisser pousser par le vent tel une feuille morte et voir où cela me mènerait...

J'attendais la réaction de Tsukimeru, cloué comme un poteau, respiration coupée. C'est d'un ton parfaitement égal (décidément cet homme semblait imperturbable) qu'il reprit :

- Vous faites ce que vous voulez. Vous êtes venus ici, je vous donne des renseignements, voir des conseils. A vous de les prendre comme vous le voulez. Le reste ne dépend que de votre volonté.

Ouf... Quoiqu'au fond (et même pour le peu que je le connaissais) ce n'était pas le genre à exploser pour si peu. Et puis bon, c'était tout de même l'un des 5. Autrement dit, quelqu'un de tolérant qui saurait respecter les choix de vie des autres. Du moins c'est ainsi que je voyais les choses. Du coup je me sentis bête de m'être lancé encore une fois dans une pareille tirade... Mais je ne sais pas. L'aura que dégageait cet homme me rendait nerveux.

Ceci dit j'appréciais au moins le fait qu'il n'est pas tentait de me convaincre. D'abord parce que j'aurai été susceptible de céder ou bien parce que cela aurait fini en long débat stérile. Il passa sans plus tarder à la "suite des opérations" :

- Ernelzya ? Peut-tu demander à Lyra de venir nous rejoindre au deuxième étage, je te prie ? Explique-lui la situation, nous arrivons. Merci.

Je rêve ou bien le grand Tsukimeru Kaze No Yokai venait-il de s'adresser au château comme un cinglé atteint de delirium ? Pour le coup je ne comprenais plus... Il se retourna vers nous pour nous donner quelques explications supplémentaires :

- A la fin du repas, vous me suivrez à nouveau. Je vous montrerai où est-ce que vous dormirez cette nuit, et je vous y laisserai tranquille.

Bien, ce serait agréable d'avoir un moment tranquille avec Annaë. À vrai dire je ne pensais plus qu'à ça maintenant. Nous commençâmes à le suivre dans l'enceinte de l'immense château. Mais il s'arrêta d'un coup, semblant avoir repensé à quelque chose :

- J'oubliais, les armes sont interdites dans l'enceinte de notre établissement, pour des raisons évidentes de sécurité. Seuls le personnel qui veille à la sécurité en a le droit. Nous vous les rendrons lors de votre départ. Il suffira de les demander.

- Oh oui bien sûr, s'il le faut.

Je n'aimais guère me séparer de mes équipement très spéciaux que m'avait donné mon vieux maître mais c'était le règlement et je devais m'y plier. Après tout il y avait tout de même une certaine logique à interdire les armes dans une institution scolaire.

- Pour vous, mademoiselle, si vous en avez, vous pourrez évidemment les récupérer chaque fois que vous voudrez sortir en ville, sans aucun problème. Alors je vous prierai de nous confier vos armes, et de ne pas prendre cela comme une quelconque méfiance.

Alors là aucun risque. Mon mentor avait conservé son immense massue. Mais de toute façon, Ann' n'avait guère besoin d'arme sous sa forme démoniaque....
Tout de même cette affaire de parler au château m'intriguait et j'avais une nature plutôt curieuse. Aussi, histoire de ne pas mourir idiot, je me risquais à lui demander tout en lui emboîtant le pas :

- Excusez moi M. Kaze No Yokai mais je me posais une question... Je vous ai vu vous adressez au bâtiment tout à l'heure. Et je vous avoue, je ne comprends pas trop...

J'étais reconnaissante de la courtoisie du directeur à notre égard. Mais il avait tout de même retenu mon attention sur un point. Quand j'aurais maîtrisé mes pouvoirs, certes je voulais rester avec Ralyon. Mais supporterai-je d'etre constamment en vadrouille ? A par celui là je n'avais pas vraiment de but pour le long terme.
Il était clair que je n'avais pas passé assez de temps en tant que « moi-même » … Cette histoire avait mangé ma vie...
Mes pensées s'assombrirent.

Mais d'un coup, le directeur s’adressa à une personne que je ne vis pas. Ernelzya... Je compris soudain. En plus de protéger les habitants, le château possédait une conscience ?? Cela changea radicalement ma façon de voir les lieux.

Arrivés à l'intérieur, pour des raisons de sécurité, il fallait laisser nos armes.
« Eh bien, je n'ai rien sur moi... » Je tâtais mes vêtements pour être sure de n'avoir rien caché dedans, on ne sait jamais. Je n'avais pas confiance en moi, étant amnésique...

En gravissant les marches, je devenais nerveuse. J'accomplissais enfin ma promesse... J'avais pris je ne sais combien d'années de retard.

[On n'a pas changé de lieu, ils sont toujours dehors xD]

L'humain tendit les armes, le démon fit un simple geste de la main, indiquant à Ernelzya qu'elle pouvait les prendre. Les armes disparurent, pour aller se ranger simplement dans l'une de ses nombreuses Réserves. Il y en avait une spécialement pour toutes les personnes qui vivaient ici, dissociées des armes d'entraînement ou pour fournir les Gardiens. Bref, Ernelzya aimait bien s'organiser.

D'ailleurs, en parlant d'elle, Tsukimeru eut vraiment la confirmation comme quoi ces deux-là n'étaient pas d'ici, et vrai qu'en fait, il agissait tellement naturel qu'il n'avait pas forcément fait attention. En même temps, il fallait savoir qu'aller sur Mythra leur avait fait le même effet, à ses collègues et à lui. C'était comme dire que les humains étaient des objets, par exemple, ou qu'importe la race. Juste qu'au lieu d'être faites de chair et de sang, les Maisons étaient en pierre ou autre matériaux...

Il ne répondit d'ailleurs pas, laissant Ernelzya le faire, bien qu'à la manière des Maisons : des lettres apparurent dans l'air, formant doucement des mots, puis une phrase.

"Bienvenue, je suis ravie de vous accueillir"

Le tout signé évidemment par la concernée. Tsukimeru fit exprès de ne rien faire, afin de bien montrer qu'il n'était pas en train d'utiliser la magie. Il regarda Annaë :

- Vous qui êtes elfe et démone à la fois, ne sentez-vous pas la vie belle et bien présente rien que sur l'herbe que vous foulez ? Exactement comme nos coeurs permettent de faire circuler le sang dans nos veines, nos compagnes sont des êtres vivants. Ernelzya est une femme. Aucun prénom de Maison n'est choisi par hasard par son créateur, même si Ernelzya est la seule à en avoir eu 5. Voilà donc pour les présentations. Si vous êtes perdus, n'hésitez pas à lui demander des renseignements. Ne lui en veuillez pas de ne pas se montrer, comme c'est une personne particulièrement connue ici, elle évite souvent de le faire afin de ne pas causer certains débordements, comme il peut arriver...parfois.

Disons qu'elle était forcément connue, ici. Elle était une légende vivante. Cela créait beaucoup de choses, dont une envie de l'apercevoir très forte, comme une célébrité archiconnue. Puis cela permettait aussi de ne pas élever ses "maîtres" actuels à ce niveau, et de les laisser justement au niveau "personne comme tout le monde, un parmi tant d'autres personnes". Car provoquer ce genre de mouvement poussait à leur demander à exiger à Ernelzya d'apparaître, aussi, la donne avait été instaurée dès le départ. Les 5 respectaient le libre-arbitre de la Maison, et même leurs prédécesseurs avaient déjà bien montré qu'il ne servait à rien de s'adresser à eux.

Mais disons que parfois, il y avait les extrêmes...pas tout le temps, heureusement, mais on entendait souvent dans les couloirs des gens rêver en disant qu'ils aimeraient voir Ernelzya en vrai, lui parler, être proche d'elle, à imaginer plein de choses avec, et même comment est-ce qu'elle était.
La concernée répondait avec plaisir, et apparaissait du coup quand elle le voulait. Mais elle ne faisait pas l'amalgame...au bout d'un moment, elle finissait par apparaître envers ceux qui n'appartenaient pas à cette catégorie extrême.

Même si cela venait aussi un peu du fait qu'elle était assez espiègle.

Tsukimeru regarda ensuite Ralyon, légèrement amusé, lui demandant :

- Même si nous ne nous entendons pas toujours, nous sommes amis, et il est normal d'échanger quelques paroles entres amis.

- Roh, mais quel rancunier ! Tu m'en veux toujours pour vous avoir laissé à la porte, ton équipe et toi, avec vos bottes pleines de boues alors que je venais de me faire toute propre ?!

Le démon manqua de se frapper le front. Au lieu de ça, il rassembla trois doigts au niveau de son sinus, se retenant de soupirer d'exaspération. Il aurait du s'y attendre, tiens ! Et il aurait préféré que ce genre de "détail", plutôt "personnel" selon lui, n'intervienne pas dans ce genre de moments !

- Dois-je te rappeler qu'il pleuvait d'une façon torrentielle ?!

rappela-t-il, tout de même, parce que vrai que ce soir-là, il s'était quand même énervé avec elle !

- Je suis sûre que tu me ferais aussi la gueule si je tâchais tes vêtements juste maintenant devant des invités !

- Bref !

trancha-t-il, sachant d'avance qu'avec Ernelzya, il était difficile d'avoir le dernier mot. Les seules personnes envers qui elle n'avait jamais tenu tête avaient été ses Maîtres, mais elle demeurait indomptable pour les autres !

Et puis, pour lui, c'était de la perte de temps, là. Il ne tenait pas à faire une scène devant les deux nouveaux. Un peu de tenue, voyons, un minimum !

...

Mince.

Pourvu qu'Eynar ne soit pas au dîner de ce soir. Le connaissant, il n'allait certainement pas en louper une pour casser ce côté "pro" que le démon prenait en voulant que tout soit chaque fois parfait pour faire une bonne impression !

Déjà qu'ici, les étrangers avaient tous tendance à les prendre pour des fous...Tsukimeru ne voulait pas "aggraver" ce cas.

Et il ne pouvait pas compter sur Eynar là-dessus qui lui, n'en avait strictement RIEN à foutre ! Au contraire, ça le faisait beaucoup rire...

Tsukimeru se redressa, soupirant légèrement. La soirée risquait d'être longue, tiens !

- Suivez-moi. Je vais vous mener.

[RP Terminé]