Cela faisait déjà 3 jours qu'Annaë et moi avions quitté la demeure du vieux maître, et une nouvelle fois, il avait fallu traverser la région froide et inhospitalière qui bordait les sommet des monts Tokrystaux. Et pourtant Annaë avait plutôt bien supporté la traversée et ne s'était aucunement avérée être un fardeau, contrairement à ce que sa frêle apparence aurait pu laissé présager. Mais c'eut-été oublier que ma compagne de voyage n'était pas qu'une simple elfe. Elle était une hybride, croisement d'un natif du peuple sylvain (ou d'une native à vrai dire je l'ignorais) et d'une des races les plus dangereuses que ce monde ait porté : un démon. Ironie suprême, c'était à l'anéantissement des membres pervertis de cette même race que j'avais voué ma vie.

Et perverti, elle l'avait été. Car si sa forme actuelle la faisait paraître tout à fait douce et inoffensive, la jeune fille en possédait une autre autrement plus dangereuse et agressive. Seul l'intervention de mon vieux maître avait pu me sauver de l'être maléfique qu'elle avait été autrefois. Sans lui je serais probablement mort. Aussi je continuais à me méfier d'elle sans pouvoir lui en faire part, car elle avait tout oubliée de sa vie ou presque. Ou plutôt elle semblait ne s'en souvenir qu'à partir d'un point précis... Encore un mystère qu'il me faudrait élucider.

Nous faisions donc route vers l'école d'Ernelzya avec, pour ma part, l'objectif d'approfondir mes compétences de chasseur de démon. Quant à Annaë, ses motivations restait aussi mystérieuses que le reste.
Nous arrivions près d'une petite caverne isolée qui nous fournirait un abri contre le froid et nous permettrai de passer la nuit.

Tu vois cette caverne là bas ? On va s'y arrêter pour la nuit, un peu de repos ne nous fera pas de mal !

Elle acquiesça comme d'habitude sans un mot. Et tandis que nous nous dirigions vers la grotte, je réalisais que je n'avais pas fait tellement d'effort pour qu'elle se sente plus à l'aise. Certes j'étais d'un naturel solitaire et je parlais assez peu mais ce trait encore accentué par la méfiance teinté de peur que j'éprouvais à son égard. Mais après tout je me devais de faire quelques efforts : elle n'étais plus le démon qui m'avait torturé et je devais apprendre à lui faire confiance. Elle m'accompagnerai et sûrement pour longtemps, alors autant se rendre agréable dans ces conditions. Alors que nous nous installions, je me risquais à entamer un début de conversation :

Mais dis moi au fait, je ne t'ai même pas demandé, pourquoi tiens-tu autant à aller à l'école d'Ernelzya ?

L'idée était apparue toute seule  d'un coup, comme munie de sa propre volonté. Elle avait réchauffé mon cœur lors de la panique glacée d'être enfermée au plus profond de la terre. Elle avait consumé ma panique devant les étrangers.
Accomplir ce qui ressemblait au dernier souhait de ma mère m'avait guidée vers eux telle la lumière du soleil se levant sur un jour nouveau.

Puis le crépuscule s'était peu à peu installé sur mes pensées, pendant ces 3 jours de marche. Ma mère avait bien senti que quelque chose allait arriver, que j'allais être emmenée dans cette caverne par les gens de mon beau père. Je ne comprenais pas comment les 2 étrangers m'avaient trouvée, et pourquoi j'étais encore en vie. Peut-etre avaient-ils tué mes ravisseurs.. L'angoisse d'être poursuivie, chassée, m'obsédait.

Je sentais aussi que mon compagnon de voyage était nerveux, même s'il ne voulait rien laisser paraître. Un soir, il décida de s'arreter dans une caverne pour se reposer. J'ignorais sa question sur l'école, pour lui répondre :

« Pas de ça maintenant ! On va rester immobiles pendant toute une nuit et je suis très inquiète. Je ne sais pas où sont les ravisseurs qui m'ont enfermée dans cette caverne, ils sont probablement à ma recherche en ce moment... » Un frisson me parcourut. « Je suis désolée de te dire ça seulement maintenant... » Je me mordis la lèvre machinalement. «Mon beau père, et toute sa troupe d'elfes puissants, m'ont jetée dans ce trou pour que je meure. Mais, je ne sais pas pourquoi, je suis encore en vie. »
La peur m'envahit plus encore, car je pensais à tout ce que cela signifiait.
« Si je suis encore en vie, cela veut dire qu'ils n'en n'ont pas encore fini avec moi, qu'ils sont à ma recherche.  Je ne sais pas comment tu t'es débrouillé, ton maître et toi, pour me sortir de là, mais sache que tu es en grand danger. »
j'avais peur de ce qu'il fallait que je dise ensuite. De ma question à venir , et surtout de la réponse. J'avais l'impression qu'au bout de la langue de cet homme, se balançait ma destinée.
« As-tu tué des elfes pour accéder à cette caverne ? »
« Non, il n'y avait personne »
Le soleil de mes pensées s'éteignit brutalement, pour faire place aux ténèbres sans lune.

Mon visage se couvrit d'horreur. « On ne peut pas se permettre de rester ici ! Ils nous traquent... » Je regardais partout autour de moi, m'attendant à chaque instant à apercevoir sa silhouette.
« En fait... Dans mon village.. Ils étaient chasseurs...  Meurtriers dans l'ombre... Ils peuvent te suivre n'importe où... Ombres dans la nuit, grâce au pouvoir des ténèbres. »

Je me pris le visage dans les mains . Je n'aurais jamais voulu que quelqu'un d'autre se trouve mélé à tout ça. Il fallait qu'il sache...
« Nous étions de fiers chasseurs, silencieux comme des ombres, souples comme des chats et rusés comme des serpents... On utilisait le pouvoir des ténèbres afin de disparaître dans la foret, et de piéger nos proies. Les anciens disaient que nous descendions des elfes noirs, mais personne n'y faisait vraiment attention... Quoiqu'il en soit... Un jour, une horde de démons détruisit le village et leur honneur de chasseurs. Peu survécurent à cette attaque, et tous les jeunes furent destinés à devenir des chasseurs... » Mon visage se crispait.
« Mais pas moi. Mon père en a décidé autrement. Un jour, alors que je m'exerçais avec les autres, il m'a interdit de recommencer. Pourtant, ma mère pensait que j'étais douée... »

Elle n'aurait jamais dû continuer de m’entraîner en cachette... Je suis si désolée pour toi, maman... La suite, les violences, la marque des démons, restait muet dans ma bouche.
J'essayais de me reprendre devant l'étranger.
« Maintenant que tu sais de quoi avoir peur, il ne faut pas rester ici. »

Déconcerté... à vrai dire même cette expression ne pouvait suffire à exprimer mes sentiments face à sa réaction. D'une simple question pour détendre l'atmosphère j'avais déchaîné un véritable cataclysme... Moi et ma grande bouche. Maladroit j'étais, maladroit je resterai.
En y réfléchissant cette question était bien la dernière à poser. Son choix ne regardait qu'elle et de plus, il prenait peut-être racine dans quelque chose d'inconscient ou d'enfoui profondément... Quelque chose qui avait émergé brusquement semble t-il. Elle me parla de traqueurs elfe impitoyables, ou quelque chose du même genre... À vrai dire je ne savais pas grand chose des elfes sinon ce que j'en avais entendu au sujet des rencontres qui avaient pu avoir lieu avec la famille royale de Mythra, difficile donc de savoir la véracité de ses propos au sujet de ces guerriers de l'ombre.

Et quand bien même, de combien de temps pouvait dater les événements auxquels elle faisait référence  ? Elle semblait jeune mais en réalité qu'en était-il ?
Je ne savais pas quoi faire j'étais désemparé... Si seulement j'avais pu remonter 30 secondes en arrières pour lui éviter cette question. Mais voilà j'étais nerveux et comme à chaque fois, j'avais agi sans réfléchir aux conséquences? Et comme à chaque fois j'agis tout aussi impulsivement pour réparer ma bêtise. Je passai ma main sur sa joue et lui fit de la voix la plus rassurante possible :

Ne t'inquiète pas, qui qu'ils soient je ne les laisserait pas te faire du mal. Trop de gens sont morts parce que je n'étais pas là au bon au bon moment... Mais je te jure que plus jamais cela ne se reproduira. Je te donne ma parole d'honneur et je ne le brade pas à la légère. Même si je dois veiller toute la nuit pour m'en assurer. Ils peuvent se rendre invisibles mais pas indétectables. Si je sens leurs auras quels que soient leurs dons pour tromper l'ennemi ils ne m'échapperont pas. Fais moi confiance...

Ma réaction me surpris tout autant que la sienne avait pu le faire il y a une minute. Mais pourtant cela me sembla naturel et je pensais chaque mot de ce que j'avais dit. À ce moment là tous mes souvenirs de la créature démoniaque qu'elle avait été semblait s'être évaporés et je ne voyais en face de moi que la jeune fille terrifiée que je me devais de protéger, même au prix de ma vie.

Le contact doux de sa main contre ma joue me paralysa. Toute ma personne ne faisait que se demander pourquoi. Pourquoi cet étranger ? Pourquoi moi ? Pourquoi ?
Ses paroles furent plus douces encore. Pourquoi vouloir veiller sur ma sécurité ? Pourquoi s'attacher à moi ainsi ? Pourquoi cet intérêt ?

Dans ma vie passé, peu de personnes m'avaient témoigné autant de sympathie, de gentillesse. Ses paroles me touchèrent beaucoup, mais aussitôt mon cœur s'assombrit. Si cet homme tenait tant à me protéger, il avait droit à la complète vérité sur mon histoire.

« Puisque tu tiens tant à me protéger, il faut que tu saches toute la vérité . Je ne t'ai pas précisé la raison pour laquelle ces gens sont à ma recherche... J'espère juste que tu ne penseras pas comme eux une fois que tu sauras... » Je repris.
« Mon village est dans la foret de landayen. [insérer ici une référence que ralyon saura comprendre]
Comme je t'ai dit il a été attaqué par les démons... Non contents de tuer nos familles... Certains ont violé nos femmes.  Et... Je suis l'un des produits de ces viols... Je ne le savais pas, jusqu'à ce que mon (beau) père m'interdise l'entrainement. Ma mère m'a tout révélé après... Je ne me sentais pas différente des autres pourtant. J'avais un grand talent pour manier les ténèbres à la manière de nos chasseurs. Mon père a préféré y voir une marque des démons. Ma mère pensait au contraire que je pouvais tous nous protéger.
Il pensait que mon talent était dangereux, que je n'étais pas en mesure de le contrôler...
Un soir, ma mère m'a dit que quelque chose se préparait pour moi, quelque chose de pas bon du tout, et que je devais fuir au plus vite pour l'école d'Ernelzya. Elle pensait qu'ils pourraient m'aider avec ce pouvoir.
Et puis, je me suis retrouvée dans cette grotte... »
Ralyon eut une tete ahurie. « Je suis natif de Mythra moi aussi, j'ai beaucoup voyagé. Et pourtant, pas une fois je n'ai vu le village dont tu me parles dans la foret. Et tu sais que je peux sentir leurs auras. Tu ne serais pas un peu … Décalée, par hasard ? »

Cette petite remarque m'irrita. « Et toi tu ne serais pas un peu mauvais pour rater un village en pleine foret ? Surtout si tu peux sentir leurs auras » Je pris une voix pédante pour dire ces derniers mots. « Puisque tu es si fort, je suis sure qu'on peut y retourner sans crainte ! »

Manifestement mon sens du tact légendaire avait encore frappé et le mot décalé ne me semblait pas, somme toute, le terme le plus approprié pour tenter de faire comprendre à Annaë son retard temporel. 2 ans plus tôt ma fierté mal placé m'aurait fait m'emporter, aboutissant je pense à une interminable dispute. Certes sa petite pique m'avait quelque peu titiller mais je me contentais de répondre d'un air légèrement agacé :

Très bien, la meilleure solution serait donc d'aller vérifier. Ce sera un moyen impartial de trancher qu'en dis tu ?"

C'est vrai, après tout je ne cherchais qu'à l'aider, pourquoi s'emporter de la sorte. Je me sentis tout d'un coup idiot, tout mon speech de tout à l'heure me semblait alors futile, injustifié. Je le regrettais presque. En pensant à ça, mon teint vira au pourpre, mais qu'est ce qui m'arrivait bon sang ?

Vu le caractère bien trempé de la donzelle je me doutais que la réponse n'allait pas se faire attendre... La suite me confirma mes craintes :

Très bien monsieur-parfait, si tu es si malin alors faisons un crochet par Landayen ! Nous verrons bien alors qui de nous 2 se trompe. Mais attend toi à ce que ton ego boursouflé en prenne un coup...

Mon ego boursouflé ?!! C'est la meilleure ? Tu prends mal une simple remarque qui ne se voulait même pas être une critique et tu prétends que c'est MON ego qui est surdimensionné ? Tu n'inverse pas un peu les rôles là ?!!!

Mais bien sûr, comme tous les hommes, tu rejettes la faute sur les autres !

Très bien alors il n'y a rien a ajouté, allons à Landayen dès demain et nous serrons fixé. Quelque chose a ajouter ?

Mais absolument rien, noble voyageur ! Faisons à votre convenance.

Bref inutile de poursuive le débat, cela pourrait être sans fin. La soirée se termina donc en bouderie, puis finalement le sommeil nous emporta tous les deux...

Mais pardi comment pouvait être aussi belle et avoir un aussi sale caractère

[RP Terminé]