-Mr Yasashi?
Aucune des personnes attablées ne se retourna: il n'était pas ici...

Je l'avais cherché dans toute l'école, mais il semblait absent de l'établissement. Impossible de le trouver...
Et, bien entendu, je n'avais pensé ni à demander à l'école elle-même, ni à utiliser le parchemin. Même après des semaines à l'école, je n'arrivais pas à en assimiler les bases à ce niveau... Quatre siècles d'existence m'auraient rendu incapable de m'adapter aux nouveaux systèmes?

Quoi qu'il en soit, j'avais été jusqu'au Bon Picolard pour le trouver... En vain. J'ignorais alors qu'il se trouvait simplement à la bibliothèque, et que j'avais mal cherché.

Ma longue recherche m'avait fatigué, et je décidai de prendre une pause ici. Je m'assis à une table, commandai un verre d'eau -la gourmandise était un des sept fameux péchés face auxquels je m'étais juré de ne plus céder- , et attendis.

J'ignorais alors qu'un des serveurs détestait les démons. L'un d'eux lui avait mangé le bras droit alors qu'il était encore conscient, et le serveur, incapable d'être suffisamment adroit avec son second bras, ne doutait pas de perdre son métier dès que le centaure trouverait employé plus efficace...
Quitte à tout perdre, autant se venger sur un démon, se dit-il.

Et dans le vers d'eau qu'il m'apporta, était dilué un poison, que je ne remarquai pas.
Je portai le vers à mes lèvres, et...

Le bu en entier.

Ma gorge brûla, mes tripes me semblèrent fondre, et, sans même m'en rendre compte, je tombai à terre, me tenant le ventre comme s'il allait couler entre mes doigts. Je vomis, encore et encore, mais la douleur ne partait pas. Je suais, je serrais les dents à me les briser, je pleurais de douleur, incapable de retenir mes fluides -TOUT mes fluides -, assommé par la douleur.

Et la seule pensée qui me traversa l'esprit était que je devrais m'excuser auprès du centaure pour avoir souillé son plancher...

(soit tu interviens pour sauver mon perso, soit tu le laisses mourir... comme tu veux XD)

[Rho! Je ne vais pas te laisser mourir, quand même]

Lyora était allé au bon Picolard pour se réapprovisionner en hydromel, le miel macéré était indispensable à certaines de ses potions. Ici, il était de bonne qualité, et c'était quand même plus simple que de le faire elle même, surtout que c'était un peu moins dans ses compétences. Elle attendait au comptoir pour être servi, et ça faisait un moment. Il y avait un peu de monde et le serveur était tout sauf débrouillard. Il faut dire qu'avec un seul bras...

Elle hésitait à l'appeler une nouvelle fois. Pourtant, ce n'était pas si dur, il suffisait d'attraper sa commande qui l'attendait gentiment de l'autre coté du bar. Elle se demandait si elle n'allait pas en faire le tour pour se servir elle même, mais ce n'était pas une voleuse, et elle tenait à payer. Elle le chercha du regard dans la salle. Zut, il lui tournait le dos. Avec un soupir, elle se préparait à aller lui parler quand un client s'écroula à terre.

Mais que ce passait il? Elle pensa d'abord à un malaise, mais les symptômes qu'elle voyait n'y correspondait pas. Vomissements, larmes, crispation du corps... Tout indiquait un empoisonnement. D'ailleurs, le serveur s'était retourné avec un air mauvais. Avait il empoisonné un client? Si c'était le cas, ça ferait de la mauvaise publicité pour la taverne. Et puis, à sa connaissance, personne n'avait payé pour la mort de cet homme. Elle n'allait donc pas laisser mourir un innocent.

Tout d'abord, elle renifla le verre avec attention. Il y avait bien une vague odeur, très diffuse. Puis, elle renifla aussi les fluides qui s'échappaient de l'inconnu. Hum... Elle voyait. Elle avait bien le remède, mais il était à sa boutique. Elle devait faire vite. Pour ralentir l'effet du poison, elle le piqua avec une de ses épines pour engendrer une légère paralysie. Elle interpella un client.

"Surveillez le, je reviens tout de suite."

Tout en partant en courant. Heureusement, sa boutique n'était pas très loin, elle attrapa la bouteille dans sa réserve et repartit tout aussi vite. Elle entra comme une furie dans la taverne et se précipita vers son patient involontaire. Elle le secoua. Il était temps, l'effet de la paralysie se dissipait déjà, et le poison continuait à faire son effet rapidement dans son organisme.

"Vous m'entendez? Faites un effort et buvez ça."

Elle entra le goulot de potion de force dans sa bouche et inclina la bouteille. Elle espérait qu'il aurait la force de la boire.  Normalement, les effets du poison devrait se dissiper rapidement. Elle n'avait plus qu'à attendre.

Le monde devint flou. Tout s'agitait autour de moi, mais sans un son...
Allais-je déjà mourir? Avais-je déjà suffisamment fait pour racheter mes péchés? 
Avais-je le droit de mourir?

La douleur due à l'épine qui s'enfonçait fut noyée dans celle du poison. Je devins incapable de bouger mes muscles, sans comprendre pourquoi.
Sans doute mon âme avait-elle déjà quitté mon corps...

Une éternité passa. La douleur était devenue plus sourde, et mon esprit, confus, faisait défiler des images, dans un chaos de souvenirs désordonnés, comme pour leur dire au revoir un par un. Mes parents, l'inconnu aux katanas, Peliana, la veuve, les membres de l'école, Iledan...
Mes sens ne fonctionnaient plus que vaguement. Des tâches de couleur inondaient ma vue, mon ouïe ne saisissait plus que des sons troubles, le goût amer de la bile et son odeur agressait odorat et goût... Quant à mes muscles,inertes, ils avaient perdu toute sensations.

Un autre goût soudain se déversa sur ma langue. Je devais sans doute l'avaler, mais... j'étais fatigué. Je voulais me laisser porter, quitter cet enveloppe qui m'enfermait dans la douleur...
Peut-être ce liquide était-il la poigne de la Mort, venu chercher mon âme dans les tréfonds de mon corps... Je la laissai couler dans ma gorge, sans résistance...
"Non... non..."
Quel était ce cri? Qui hurlait au fond de moi?
"Non... NON! Je n'ai pas le droit de mourir!"
C'était trop tard, de toute manière. Mon corps ne me répondait plus, Elle m'avait déjà saisie...

Mais la douleur revient, plus forte que jamais. Etait-ce si douloureux de mourir? Etait-ce parce que j'avais causé trop de mal, était-ce ma pénitence?
Mes sensations revinrent, dans une explosion à la fois subite et infinie de souffrance. Les couleurs se précisèrent, les sons devinrent des mots. Je reprenais conscience, émergeant d'une éternité floue et paisible pour revenir à la vie, tel un nouveau-né, dans la douleur et la crainte.

Un visage se tenait devant mes yeux. Ma sauveuse, sans doute...
Je voulus me relever, mais mes muscles ne partageaient manifestement pas ce désir. Je dus rester cloué au sol...
J'essayai alors quelques mots:
  - Mer...ci... de... m'avoir sauv... sauvé.
Ma bouche était pâteuse, encore emplie du goût de la bile et du remède -mélange peu agréable. Mes muscles acceptèrent enfin de me relever, et la gangue qui enveloppait mon esprit dans une mélasse obscur se dissipait.
  - Je suis Elpis Aguammor. Je vous dois la vie, Mlle...?

[crotte, on a la même couleur de police XD]

Ha! Il revenait à lui. Lyora se sentait soulagée. Elle était intervenue à temps. Il commençait même à s'agiter. C'était un coriace, apparemment. Il balbutia quelques remerciements. Puis, il se releva et se présenta. C'était fort aimable, mais la demie elfe n'était pas d'accord pour qu'il bouge autant tout de suite. Elle attrapa une chaise et le poussa doucement mais fermement dessus.

«Enchantée, Monsieur Elpis. Je m'appelle Lyora. Vous avez de la chance que je sois une bonne... herboriste.»

Elle avait failli dire empoisonneuse! Ce n'aurait pas été très malin. Mais c'était, dans ce cas, plus proche de la vérité. Elle avait tout un arsenal de poisons, et bien entendu, de contre poisons adaptés. C'était cela qui lui avait sauvé la vie, car sinon, elle n'aurait pas eu le temps de préparer quoi que ce soit.

«Et cessez un instant de vous agiter comme ça, vous être encore assez faible et déshydraté, aussi. Vous avez bien besoin d'une tisane revigorante. Vous allez boire un peu d'eau ici et je vous aiderai pour aller jusqu'à ma boutique. Je vous préparerait ce qu'il faut une fois là bas.»

D'office, elle prit un verre propre et versa de l'eau dedans, après l'avoir contrôlé tout de même par prudence. Puis, elle lui tendit.




[Pas tout à fait, j'ai l'impression, mais presque, oui]

Je me sentais moite et puant. Forcément... J'étais couvert d'un mélange de sueur, d'urine, de vomi et de bave. Sortant tout juste d'une période de quelques siècles d'errance et de bénévolat, pendant laquelle j'avais dormi aux pires endroits et n'avaient pas toujours eu les moyens de maintenir un bon niveau d'hygiène, je n'étais pas moi-même plus dérangé que cela, mais j'étais gêné pour les autres...
 
L'inconnue me poussa sur une chaise et, encore affaibli et à moitié dans les vapes, je ne résistai pas -de toute manière, je n'avais aucune raison de résister.
  - Enchantée, Monsieur Elpis. Je m'appelle Lyora. Vous avez de la chance que je sois une bonne... herboriste.
L'esprit encore trop embrumé, je n'avais pas noté l'hésitation.
  - Oui... Merci encore, répondis-je faiblement.
  - Et cessez un instant de vous agiter comme ça, vous être encore assez faible et déshydraté, aussi. Vous avez bien besoin d'une tisane revigorante. Vous allez boire un peu d'eau ici et je vous aiderai pour aller jusqu'à ma boutique. Je vous préparerait ce qu'il faut une fois là bas.
J'acceptai docilement le verre d'eau qu'elle me tendit. Je ne pouvais nier avoir eu un instant d'hésitation avant de le boire, tant l'expérience avait été désagréable, mais Lyora n'aurait aucune raison de me tuer après m'avoir sauvé...
 
Je décidai de ne pas refuser ses soins: je trouverai sûrement un moyen de la remercier après. Ce n'était pas en me laissant mourir que je pourrai le faire pour ce qu'elle avait déjà fait jusqu'ici.
Une idée commença s'extirpa de la mélasse qui hantait mon cerveau. Nous n'avions pas d'hermétiste à l'école... Quelques soigneurs, certes, mais aucun n'avait une telle connaissance des philtres et des poisons. De plus, elle semblait altruiste et, surtout, efficace.
  - Seriez-vous intéressée par un travail au sein de l'école d'Ernelzya?

C'était un peu brusque, mais j'étais trop fatigué pour chercher un moyen subtil d'arriver à cette conversation...

Il devait délirer. Cela ne pouvait pas s'expliquer autrement. Sinon, pourquoi lui proposerait il un travail au sein de l'école. A moins que... Non, ce n'était pas le directeur, elle avait en tête sa description et il ne lui ressemblait pas. Du coup, cela la fit rire. Surtout que l'idée même était ridicule. Elle n'était jamais allé à l'école, donc, donner des cours, c'était impensable. Et puis, comment avoir une boutique, si elle travaillait là bas? Et son autre activité rémunératrice?

"Travailler à l'école, moi? Vous plaisantez. Par contre, si vous connaissez un moyen pour que je fasse un saut dans la bibliothèque... J'aimerai consulter quelques ouvrages de potions avancées que je n'arrive pas à trouver en ville."

Après tout, peut être y travaillait il. Si c'était le cas, on pouvait dire qu'elle avait une chance extraordinaire. Depuis le temps qu'elle voulait aller dans la bibliothèque. Elle serait ravie de pouvoir consulter un peu des ouvrages plus anciens que ce qu'elle trouvait habituellement. Et puis, il lui fallait aussi un ouvrage sur les plantes rares. Elle espérait qu'il y en aurait aussi.

En tout cas, s'il habitait à l'école, ce n'était pas la peine de l'emmener à sa boutique, l'école était plus proche, et dans l'état de faiblesse où il se trouvait, ce n'était pas la peine qu'il multiplie les voyages. Surtout qu'il ne sentait pas la rose et que ses vêtements étaient sales et avaient besoin d'être changés.

"Bon, ne bougez pas, je vais aller chercher la tisane, ma boutique n'est pas très loin. Je vous rapporte ça rapidement et je vous raccompagne à l'école, ça sera plus commode pour vous que de faire les deux voyages. A l'école, au moins vous pourrez vous changer et prendre des habits un peu plus présentable."

Elle sortit au petit trop de la taverne. Il y avait moins urgence que tout à l'heure. Et puisqu'elle avait un peu de temps, autant lui préparer une boisson plus adaptée au poison qu'on lui avait fait boire. Elle prit donc quelques minutes supplémentaires pour faire le mélange. Elle revint donc au bout d'un peu plus de dix minutes. Bon, il ne s'était pas sauvé, en tout cas, quelques fois ça arrivait. Elle commanda de l'eau chaude à une autre serveuse qui avait remplacé la personne précédente, et mit à infuser le tout. Elle luit tendit une fois que ça fut prêt.

"Ca va vous faire du bien, buvez pendant que c'est chaud."

  - Travailler à l'école, moi? Vous plaisantez. Par contre, si vous connaissez un moyen pour que je fasse un saut dans la bibliothèque... J'aimerai consulter quelques ouvrages de potions avancées que je n'arrive pas à trouver en ville.
  - Très bien... Dommage. On a beaucoup de professeurs, mais trop peu de personnel. Sans doute parce que l'école sait se nettoyer toute seule, et prévenir de tous intrus...
Mais elle ne sait pas soigner comme vous l'avez si bien fait.
Du moins, je pense.
Enfin! De toute manière, je n'étais pas sûr du tout que les directeurs l'auraient acceptés. Après tout, peut-être l'école était-elle capable de soigner. Plus rien ne m'étonnerait à son propos...
 
  - Bon, ne bougez pas, je vais aller chercher la tisane, ma boutique n'est pas très loin. Je vous rapporte ça rapidement et je vous raccompagne à l'école, ça sera plus commode pour vous que de faire les deux voyages. A l'école, au moins vous pourrez vous changer et prendre des habits un peu plus présentable.
J'étais un peu surpris de tant de gentillesse. Après tout, nous ne nous connaissions pas...
Décidément, Ernelzya était un continent très agréable... Si l'on faisait l'impasse sur certains serveurs.
Elle revient, et je bus la boisson.
  - D'accord... Allons à l'école. Quant à ce poste à l'école, vous êtes certaine de refuser? Je ne veux pas vous forcer la main, et il est vrai que j'ai fait cette proposition un peu brusquement, mais vous devriez y réfléchir. Après tout, cela vous assure gîte et couvert, et bonne compagnie...
Et protection. Par les temps qui courent, chaque minute peut voir arriver le malin, ivre de destruction. Et puis, je suppose que les artisans aiment avoir du matériel de qualité sous la main pour des expériences: vous aurez cela.

Bien sûr, vous devrez aussi satisfaire les demandes de l'école... Mais c'est un travail très stable, vous aurez beaucoup de temps libre, voir quelques jours de congés.
Je ne veux pas vous faire de faux espoirs: vous ne serez pas engagée d'office. Mais, au vu de vos talents, vous ne devriez pas avoir de mal à prouver votre valeur.

Si elle était sure de refuser? Elle ne savait pas trop, finalement. Certains avantages qu'il décrivait semblait fort intéressant. Comme travail stable, ce qui signifiait salaire fixe. Le matériel était important, aussi. Elle le savait bien, vu qu'elle avait dû en acheter un minimum pour faire tourner sa boutique, et elle était loin d'avoir tout ce qu'il lui fallait.

Pourtant, deux choses essentielles la freinait. La première, c'était qu'elle n'avait jamais été à l'école, et que du coup, donner des cours lui semblait ridicule. La seconde est qu'elle ne voulait pas abandonner son jardin. Une fabricante de potion sans plantes, et bien, elle ne fabriquait pas grand chose. Il y avait aussi une troisième chose un peu plus obscure qui la poussait à hésiter, en raison de la corruption de son aura quand elle avait fusionné par accident avec le rosier qui baignait dans atmosphère maléfique. Cela voudrait sans doute dire aussi qu'elle devait renoncer à son travail de mercenaire, et pour le moment, elle n'arrivait pas totalement à s'en détacher.

Malheureusement, elle ne pouvait pas expliquer tout cela à Elpis. Elle lui dit seulement la première, qui lui paraissait la plus valable.

"Ecoutez, je me vois mal enseigner quoi que ce soit. Surtout que je n'ai jamais mis les pieds à l'école de ma vie. J'ai appris à lire, à écrire et à compter sur le tard, grâce à la femme qui m'avait recueilli... Oui, c'est une longue histoire, et je ne vais pas vous ennuyer avec ça.
J'ai l'impression que vous allez beaucoup mieux, je pense qu'avec mon aide, vous êtes capable de marcher jusqu'à l'école."

Elle lui tendit son bras, pour qu'il s'appuie dessus.