Histoire
Cadeau
Toute mon enfance, et jusqu'à cinquante ans, j'ai été élevé par mes parents, un couple de démon, Lizel et Ania. Etant des forgerons de talent, ils pouvaient se permettre un standing assez luxueux.
En conséquence, libérés des contraintes matérielles, ils n'étaient pas barbares et égoïstes comme le sont les autres habitants du Pandémonium, forcés d'abandonner leur morale pour survivre.
Ce furent donc les mêmes valeurs que sur les autres monde -respect, générosité, justice,... - qu'ils tentèrent de m'inculquer.
Ils avaient un passé lourd de crimes, m'avaient-ils confiés, mais j'étais leur espoir de rédemption, l'espoir d'apporter quelque chose de bien au monde. D'où mon nom, "Eplis"... L'espoir.
Un jour, très jeune, je leur avais demandé s'ils seraient prêt à mourir pour me protéger. Ils sourirent, et répondirent que oui, car ils voulaient quitter ce monde lavés de leurs péchés, à travers moi, et surtout, parce qu'ils m'aimaient plus qu'eux-mêmes.
Ce fut mon plus beau souvenir.
Mais rien d'aussi beau ne peut perdurer au Pandémonium. Une famille si heureuse devait être détruite... Et je fus l'instrument de cette destruction.
J'aidais souvent mes parent à la forge: ceux-ci voulaient que je la reprenne à leur mort, et m'apprenaient donc les ficelles du métier. Or, un jour, un client, encapuchonné de sorte que je ne visse pas son visage, vint faire une commande: deux katana, dans une matière qu'il avait apporté lui-même. Une matière... étrange. Noir et blanche en même temps, selon l'angle de vue...
Il me fallut deux jours pour forger les armes. A peine eus je fini de refroidir la seconde lame que le client surgit. Il eut un étrange sourire à la vue des armes... Il paya sa commande, nomma tout haut une des lames "Pandora", puis... me les mit en main.
Il m'ordonna de garder précieusement ces lames. Il me confia que la matière était magique, et rendait la lame extrêmement coupante. Il m'expliqua aussi l'étrange propriété des armes: elles ne tranchaient que ceux qui n'étaient prêt à mourir pour rien. Et, avec un dernier de ses sourires inquiétants, il me dit que je devrai nommer moi-même la seconde.
Bien qu'étonné, j'étais heureux d'accepter ce cadeau, et le remerciai avec ferveur...
Déchéance
Un an passa.
Les choses allaient mal pour la forge. Une autre s'était installé, la forge Pandémoni, bien plus intéressante tant pour ses prix que pour sa qualité.
Du coup, le travail avait doublé, voir triplé, et j'étais plus sollicité que jamais.
Un soir, sur mon lit, je regardai le duo de katana. Une idée germait dans ma tête.
Pourquoi rester ici à me tuer à la tâche, alors que je pourrais gagner ma vie bien plus facilement avec ces katana? Je les avais testé, et ils coupaient tout comme du beurre. Je m'étais aussi entraîné à combattre avec, et à combiner ma magie à mes talents d'escrimeur...
Pourquoi ne pas devenir mercenaire? Un métier bien plus intéressant et bien moins laborieux que forgeron...
Après tout, mes parents sauront se débrouiller sans moi, comme ils l'ont fait avant ma naissance.
Je ne pris qu'une semaine pour me décider, tant le travail était dur.
Je quittai ainsi mes parents, dans la nuit, tel un voleur, fuyant le travail pour m'enfoncer dans la jungle sauvage qu'était le Pandémonium... Laissant mes parents, qui m'avaient tant donné, se tuer à la tâche, seuls face à la faillite, et, surtout, inquiets et malheureux de la disparition de leur fils...
Mais les choses ne furent pas aussi faciles que prévu. Nul ne voulait d'un mercenaire dont personne n'avait jamais entendu parler... Et j'avais largement surestimé mes talents de combattant, comme l'attestaient de nombreuses blessures et cicatrices infligées par divers guerriers que j'avais affrontés.
Je m'étais mis à voler pour survivre. Rien de plus simple: je m'étais découvert un pouvoir de métamorphose, me permettant de devenir papillon. Une fois transformé, je n'avais plus qu'à me glisser par des fissures jusqu'aux réserves de divers magasins, taverne, etc., redevenir humain, manger, et repartir en papillon.
Au début, je ne mangeais que de quoi survivre: un quignon de pain, et de l'eau. Mais, peu à peu, je me mis à manger de la viande, des fruits, bref, des mets de plus en plus chères. Jusqu'à un certain jour...
Je vécus ainsi pendant vingt ans.
La disparition de nourriture à plusieurs endroits n'était pas passée inaperçue. Des légendes, rumeurs et théories naissaient partout. Cela me faisait sourire, jusqu'à ce que je me fasse attraper.
J'étais entré par la fenêtre ouverte d'un établissement connu pour sa bonne chaire, une fenêtre qui menait directement aux réserves, mais, à peine entré, la fenêtre se referma.
Un rire retenti, et une voix me somma de redevenir humain. En cas de refus, "elle" lâcherait une chauve-souris...
Je dus obtempérer, et une démone sortit de l'ombre.
Un sourire triomphant sur le visage, elle m'expliqua qu'elle s'appelait Peliana, et avait été engagée pour tuer le mystérieux voleur qui sévissait. C'était une assassine, et j'étais à sa merci. Armés, mais convaincu qu'elle serait plus rapide que moi si je tentais quelque chose, et me planterait sa dague en pleine gorge... Etais-je perdu...?
Non. Elle était intéressée par ma transformation. Elle me proposa de devenir son associé: j'entrerais dans les maisons de ses cibles en papillon, ouvrirais une fenêtre du rez-de-chaussée, et elle s'occupait du reste. Elle me proposa un quart de ce qu'elle gagnait...
La promesse de ne plus devoir me cacher pour manger, mieux m'habiller, avoir ce que je veux.
J'acceptai. Après tout, je ne serais pas coupable des meurtres: je ne ferais qu'ouvrir des portes, pas les commander ou les exécuter...
Effet... papillon.
Notre association dura trente ans. Nous étions presque amis, maintenant. Malgré son métier, c'était une femme pleine de bonne humeur et d'humour, presque gentille. Je lui avais raconté énormément sur ma vie passé, l'origine de mon prénom, l'amour que mes parents me portaient, l'histoire de mes armes et leurs propriétés magiques,...
Or, un jour, en rue, je vis une jeune femme... resplendissante. Je compris tout de suite qu'elle ne quitterait plus mes pensées...
Mais elle était mariée. A une sombre brute, qui l'avait épousé de force. Du moins, je m'en convaincu, rongé par ce que j'appelais alors l'amour. Peu à peu, je me persuadai qu'elle n'aimait pas cette homme, et qu'elle attendait que quelqu'un le tue et l'épouse.
Oui, j'allais faire tuer cette homme, qui avait une épouse que je méritais bien plus!
Je demandai à Peliana de le tuer. Elle rit, me taquina, puis accepta.
Deux jours plus tard, il était mort.
Alors, me transformant en papillon, j'entrai dans la chambre de celle que j'aimais... Et la vit en larme.
Quand je lui dis que j'étais son "sauveur", qui avait tué son époux, ses yeux s'emplirent de haine, et un dégoût évident se peignit sur son visage. Quand je m'approchai d'elle, décontenancé, et voulant la consoler, elle me repoussa. De tout son corps, de tout son cœur, de toute son âme...
Devant un tel refus, j'aurais dû laisser tomber.
Mais, pourtant, mon "amour" ne tarissait pas. Je compris alors que je m'en fichais bien de ce qu'elle pensait. Ce n'était pas son amour que je voulais, non...
C'était son corps. Et j'en pris possession... de force.
Je ne dormis pas, cette nuit. Ce que j'avais fait me tourmentait. Comme le dernier spasme d'un animal mourant, ma conscience jaillissait, elle que j'avais mise si longtemps de côté.
Ma nuit fut hanté par les cris de la femme, pleurant, me maudissant... Sa voix qui se brise, ses pleurs qui deviennent de faibles sanglots... Je revis le visage de mes parents. Ils avaient le regard que je craignais et détestais, un regard dans lequel une profonde déception se lisait.
Le lendemain, fatigué et affaibli... Je me confia à Peliana, et lui avoua ce que j'avais fait.
Une fois mon récit fini, elle me regardait avec...
Dégoût. Presque avec peur. Sarcastique, elle suggéra que je ne devais pas être assez séduisant que pour devoir en arriver là, et sous-entendit juste après qu'elle devrait peut-être mettre fin à notre association.
J'étais de plus en plus énervé. Comment une assassine osait me faire la morale? Certes, elle disait avoir des principes, comme ne pas tuer des parent, etc., mais elle tuait des gens!
Nous commençâmes à nous disputer, de plus en plus fort. La fatigue et la culpabilité attisaient ma colère, et le dégoût et la peur attisaient la sienne.
Ivre de rage après une dizaine de minutes de dispute, me sentant trahi par ma seule amie, je sortis ma lame. Elle éclata d'un rire cruel, en disant qu'elle la trancherait sans peine, mais, me fixant soudain d'un regard amusé...
Elle me mit au défi de "tester" mes parents. Ils s'étaient dit près à mourir pour moi, mais n'était-ce pas un mensonge? Qui voudrait mourir pour un enfant, ou pour la rédemption?
Elle ricana, arguant que c'était facile de "juger" les assassins, mais qu'un lâche ne pourrait jamais faire de même pour ses proches, aveuglé par son amour illusoire.
Alors, aveuglé par la colère, je la transperçai de mon épée.
Elle n'eut le temps de sortir sa dague: elle ne pensait pas que j'irais si loin...
Ma rage disparut soudain, alors que son sang m'aspergeait. Son corps s'affaissa. Je la pris dans mes bras, perdu, ne comprenant pas comment nous en étions arrivé là. Je pleurai, à présent, conscient d'avoir tué ma seule amie, aveuglé par une absurde colère.
Elle ricana une dernière fois, et chuchota: "après ton amie... Auras-tu le courage de juger tes chers parents? Si tu as tant confiance en eux... Pourquoi aurais-tu peur?"
Puis elle ferma les yeux, et ne parlas plus.
Justice...?
J'étais revenu à la forge de mes parents.
Peliana avait raison: il fallait que je vérifie s'ils ne m'avaient pas menti.
Et, si oui, il fallait que je les tue... Sinon, le meurtre de Peliana... Ne
serait rien de plus qu'un crime sans fondement, une erreur que j'aurais commise sous la colère.
Mes parents avaient été des monstres, plus jeunes. S'ils n'étaient pas capable d'une sincère rédemption, il fallait les juger et les exécuter. Et je le ferais, car seul leur propre fils avait ce droit... ce devoir.
J'entrai dans la forge. Elle était délabrée, et il ne restait plus que quelques armes là où en étaient accrochés des centaines auparavant.
Mes parents étaient là. Ils avaient maigris, leurs traits étaient devenus fatigués, leurs bras abîmés. Ils étaient en faillite.
et, quand ils me virent, leur visage exprima un mélange de surprise, de soulagement et de bonheur.
Jusqu'à ce qu'ils voient mon air sombre, et ma lame dégainée...
Ils avaient vécu dans les pires endroit du Pandémonium.
Ils savaient l'influence qu'il avait sur les cœurs les plus purs. Ils savaient que le chaos et la corruption de ce monde pouvait bouleverser quelqu'un, et le pousser à des actes incompréhensibles. Ils savaient qu'il se vendaient des herbes, qui annihilait le sens commun, et rendaient fous... Et ils n'étaient pas au courant pour mes armes.
Ils eurent peur. Mais pas pour eux-mêmes...
Et quand je m'approchai, et levai ma lame au-dessus de mon père, sans un mot... Il se planta l'épée qu'il forgeait, encore brûlante, dans le corps. Surpris, je n'achevai pas mon coup. Ma mère fit de même, après avoir dit:
"Nous ne te laisserons pas faire de toi... un parricide"
Et ils moururent, retenant leurs cris, contenant leurs spasmes, comme pour me rendre le spectacle moins horrible...
Ils ne m'avaient pas menti. Mais ce souvenir que je chérissais tant, celui où ils m'avaient affirmés être prêts à mourir pour moi, serais désormais douloureux... A jamais.
Pénitence
]Pendant un siècle entier, j'errai dans les quatre mondes. Je faisais tout ce que je pouvais pour expier mes crimes: aider des paysans, capturer et livrer à la justice des criminels, protéger des voyageurs,...
Pour ne jamais oublier mes péchés, j'avais nommé ma seconde lame "Lizelania", les noms de mes parents. A chaque fois que je la regardais, je me remémorais ce maudit jour, où mes deux parents moururent par ma faute.
J'entendis, un jour, un sage dire qu'il existait sept péchés appelés "capitaux". Non pas capitaux par leur gravité, mais parce qu'ils menaient à tous les crimes.
Paresse, gourmandise, avarice, envie, luxure, colère et orgueil.
Je me remémorai mon passé, et compris qu'il avait raison. J'avais cédé aux sept. Eus je surpassé ne fut-ce qu'un de ces péchés, et mes parents ne seraient pas mort... Telle les maillons d'une chaîne froide et cruelle, ils m'avaient poussés à des crimes de plus en plus grave, jusqu'à la mort de mes parents.
Je me promis alors de tout faire pour ne plus y succomber, et les combattre chaque jour, chaque seconde...
Et puis, un jour, je trouvai l'école d'Ernelzya.
Un lieu pur. Une lumière d'espoir dans un monde trop sombre.
Ce lieu m'évoqua une jeune pousse. Fragile, soumise aux intempéries, aux animaux, et à mille autres dangers... Mais qui, une fois adulte, deviendrait le plus grand, le plus solide des arbres. Et ses fruits seraient les germes d'un monde nouveau, un monde d'ordre, de joie et de pureté...
C'était un endroit où la jeune génération, habitants du monde de demain, pouvaient grandir dans un environnement sain, et ainsi le devenir eux-mêmes. Quel meilleur moyen que celui là de construire un futur radieux? Il me fallait aider cette pousse. La faire grandir, la protéger. De l'extérieur, ou d'elle-même.
Et, qui sait si, ce faisant, je ne redeviendrais pas sain et lavé de mes péchés moi-même?
Il me fallait protéger cet endroit, envers et contre tout.
(Image Elpis: D.Gray-Man (Kanda Yuu). Image papillon: umineko no naku koro ni)