La bataille du village près du Lac Leyna, avait bel et bien prit fin. L'échec de l'armée des démons était cuisant, et tous redoutaient,
très certainement, et amèrement, la réaction de la nouvelle Reine du Pandémonium, qui avait le don d'en faire trembler plus d'un.

Comme il en avait été convenu, Churipu, accompagnée de son majordome, et de son nouvel ami, Akira, avait été escortée et téléportée vers
le Bourg Ernelzyen, afin de n'éveiller aucun soupçon de la part de l'armée d'Ernelzya, et aussi afin d'échapper, au possible, à la colère noire de la Reine.

Mais à peine avaient-ils mis les pieds dans le Bourg, qu'un démon soldat, envoyé par cette dernière, avait vite fait de retrouver la trace de la demoiselle Lapin.
Elle du, ainsi donc, laisser son ami. La Reine l'attendait dans la Forteresse Abyssale,  au Pandémonium.

Churipu n'y avait jamais remis les pieds depuis sa naissance, et l'idée d'y retourner ne l'enchantait guère.
Mais le démon, armé jusqu'aux dents ne leur laissait pas vraiment le choix, et en cas de fuite, qui sait si la colère de la Reine ne serait pas encore pire.

Un portail fut ouvert. Le démon ordonna à Churipu et son domestique de s'y engouffrer.
Le portail passé, l'atmosphère était bien différente de celle sur l'île d'Ernelzya. L'air était chaud et légèrement parfumé d'une odeur proche du souffre.
C'était respirable, mais pas vraiment agréable. Devant la jeune démone et son hybride de majordome se tenaient une immense et lourde porte: l'entrée de la Forteresse; le QG de la Reine.

Le démon soldat les fit entrer, puis parcourir un long couloir, avant de les inviter à attendre dans ce qui semblait être un grand salon,
à l'allure toutefois plus macabre que ce que Churipu, habituée au luxe, avait l'habitude de voir.

Quelques minutes passèrent.
Xaza n'arrêtait pas de murmurer, nerveusement: "Qu'est-ce qu'on va prendre... Qu'est-ce qu'on va prendre..."

Et Churipu, pas vraiment à son aise, et surtout exaspérée par le stresse communicatif de son majordome, commençait à taper du pied,
en se mordant la lèvre inférieure.

Un bruit de porte grinçante, et assourdissant dans l'antre vide fit écho. Quelqu'un arriva.

"La Reine vous attend..."

"Bon, et bien allons-y..." répondit Churipu, peu confiante sur le résultat final de l'entretien à venir.

Ils avancèrent dans la salle du Trône, où Karen se tenait assise, l'air exaspéré.

"Les voici, votre Majesté ! Mademoiselle Churipu Roshia Eluanuhr, et son domestique... Euh ..."

"Xaza !" finit Churipu, en espérant que tout cela se termine vite, afin qu'elle puisse retourner au Bourg et commencer à exercer
le métier pour lequel elle avait quitté sa famille.

Poliment, elle fit une révérence, que son majordome imita.

La lourde porte se referma de nouveau. Le bruit commençait à sonner faux pour la Reine qui l’avait entendu s’ouvrir et se refermer de nombreuses fois aujourd’hui. Toujours assise sur son trône, elle baissa les yeux pour voir le nouveau démon qu’elle allait devoir punir…

Elle cligna une fois des yeux, intriguée. Tiens… N’était-ce donc pas la petite lapine qu’elle avait embauchée juste avant la bataille d’Ernelzya ? Un petit sourire se dessina sur ses lèvres, elle avait survécu, cela était amusant… Le domestique tremblait de la tête au pied. L’ange noir pouvait le voir même du haut de son trône alors que la démone était inclinée mais d’une droiture frôlant l’insolence.

Karen agita la main de la même manière qu’elle l’avait fait durant toute la journée.

"Relevez-vous." Ordonna t'elle autoritairement

Son sourire s’effaça avant que le drôle de couple ne puisse le voir. Intriguée par la lapine noble et son incommensurable chance, Karen laissa sa tête tomber dans sa main. Elle avait un air si nonchalant mais elle n’en avait que faire. L’ange noir était dans cette salle depuis des heures et des heures, se lassant des hurlements des démons.

"Mademoiselle Roshia Eluanuhr, avez-vous pris part à l’attaque du village d’Ernelzya ?"

La question pouvait sembler complétement stupide. Toutefois, Karen pouvait ainsi jauger l’honnêteté des démons. Tout le monde a tendance à agir différemment lorsqu’il dit la vérité et ment. Poser une question aussi enfantine n’était donc qu’un test pour jauger de la véracité des propos du prévenu. Après tout, Karen agissait comme un juge : mort ou vie, il n’y avait pas d’autres sentences dans ce tribunal.

"Et votre domestique ? Je n’ai guère le souvenir qu’il souhaitait y participer… S’il n’a pas pris part au conflit, qu’il parte sur le champ. Je ne le dirais pas deux fois."

Ne voulant pas perdre la face, bien qu'elle se doutait que la Reine ne serait pas vraiment clémente vis à vis d'elle, Churipu se tenait droite, la tête relevée,
comme à son habitude. Quitte à se faire exécuter, autant que cela soit avec un tant soit peu de dignité. C'était aussi cela de faire parti de la noblesse démoniaque.

La Reine les pria de se relever, puis elle commença par tester l'honnêteté de la jeune démone, en lui demandant si elle avait bien pris part à l'attaque du village.

"Evidemment, votre Majesté !" répondit-elle les yeux au ciel.

*Non mais elle se fout de moi, ou quoi ?* se demandait Churipu.
*C'est elle qui est venue me chercher... Elle a oublié?!*

Churipu n'eut guère le temps d'émettre d'autres pensées, que la Reine demanda si le domestique aussi avait pris part à la bataille,
précisant que si ce n'était pas le cas, il pouvait disposer.

Xaza trembla d'ailleurs de tout ses membres lorsque la Reine le cita.

"Tu peux t'en aller, Xaza !"

"Mais... Mademoiselle..."

"Dehors !" répéta Churipu d'un ton très froid.

"Euh oui..."

Le domestique fut ramener au grand salon, laissant Churipu seule face à la Reine.

"Il voulait m'accompagner pour me surveiller, vu que mes parents le paient pour ça...
Mais quand il a vu les premiers bains de sang, il ne se sentait pas bien, alors je lui ai suggéré de retourner m'attendre dans les bois."

Est-ce que tout ceci aurait une incidence sur la tournure des événements ? Churipu ne pouvait pas le savoir.
Son domestique pouvait se faire exécuter d'une minute à l'autre. Bon, elle s'en fichait un peu, car Xaza, malgré ses bonnes intentions envers
sa maîtresse, pouvait être extrêmement ennuyeux, collant. S'en débarrasser n'aurait pas été de refus. Mais tout de même, le tuer alors qu'il n'avait
fait que suivre sa jeune maîtresse, pour la protéger... Churipu pouvait bien paraître insolente, mais elle se tint aussi droite qu'elle ne le fut dès le départ.
Elle était certes polie, mais elle gardait un trop mauvais souvenir de la bataille, pour courber l'échine, même devant le regard assassin de la Reine.

Karen se lança dans un discours qui résonnait de façon agaçante contre les parois froides des murs de la salle, ainsi que dans les oreilles de Churipu.
Il était bien trop aisé de rejeter la faute sur ces abrutis de démons; après tout si la bataille avait été un échec cuisant, c'était, en grande partie, de leur faute.
Mais fière qu'elle était, Karen, pourtant absente sur le champ de bataille du village de Leyna, n'admettrait très certainement jamais son manque d'autorité.
C'est peut-être pour ça que les ordres donnés peu avant la bataille avaient semblés quelque peu évasifs.

"Je n'ai jamais dit qu'ils devaient être intelligents. Ils étaient sous votre responsabilité après tout. C'est vous qui avez lancé l'attaque !
Il aurait peut-être été plus judicieux d'élaborer une stratégie, ou quelque chose comme ça..."

Churipu sentait qu'elle en avait peut-être trop dit.
Cependant, une fois qu'elle s'était lancée, autant poursuivre, peu importe les conséquences.

"Inspirer la terreur, c'est une chose ! D'ailleurs, tout à fait entre nous, les villageois fuyaient rien qu'en les voyant...
Evidemment que nos ennemis ne sont pas à sous-estimer. J'y étais moi !"

Karen lui demanda alors comment elle avait pu survivre dans une telle bataille, ce qui agaça Churipu au plus haut point, d'autant que des sacrifices,
elle en avait fait pour rester en vie.

"Je parais certes frêle, mais je sais utiliser la magie moi aussi. Je ne suis pas à sous-estimer non-plus !"

Elle se radoucit quelque peu...

"Cela dit, je dois admettre que face à vos idiots de soldats, je me trouvais dans un sale état...
Si je m'en suis sortie, c'est parce qu'un autre démon est venu m'aider..."

Churipu ne savait toujours pas si elle devait mentionner Akira. Après tout, il avait beau être fort sympathique,
elle ne savait rien de lui... Était-ce un ennemi ?

"Il a déboulé de nul part, et s'est fait prendre à partie par vos soldats.
C'est pour ça que je suis intervenue. Ensuite vos démons me sont tombés dessus, et il a eu la courtoisie de me venir en aide... "

Au point où elle en était, Churipu, fière de sa noble lignée, refusait d'être traitée de la sorte.
Non seulement les mots de Karen étaient durs, mais son attitude à se croire au dessus de tout agaçait la demoiselle Lapin au plus haut point.

"Que vous traitiez vos soldats comme de la chair à canon, c'est votre problème !
J'ai accepté de vous servir, en pensant vous faire bonne impression et gagner un tant soit peu votre estime, votre Majesté !
Mais je ne sers que mon propre intérêt..."

Elle marqua une courte pause, puis enchaîna:

"Je vous déçois ? Soit ! Je pensais qu'entre "méchants" on pouvait s'entendre et trouver un compromis.
Mais je constate juste que l'attaque d'Ernelzya n'était qu'une piètre diversion, dans laquelle j'y ai perdu ma dignité, Madame !"

Karen reprit ainsi une partie de l'histoire que Churipu avait omis de mentionner, mais qu'elle s'apprêtait donc à faire.

"J'ai été honteusement forcée de me plier aux règles de nos adversaires ! Rrrah, ce Tsukimeru ! Je le déteste !
Il s'est pointé, m'a menacé de son arme, et j'ai du jouer la comédie afin, entre-autre, de protéger votre identité, et aussi pour sauver ma peau...
Ce... Grrr il a osé se moquer de ma tenue ! Indigne démon qu'il est Grrrr !"

A ce stade, Churipu était rouge de colère. Ne serait-ce que prononcer le nom du démon aux cheveux d'argent la faisait sortir de ses gonds.

"J'ai menti, pour ma vie, et la votre... Il nous a visiblement cru, et nous sommes arrivés en Bourg à l'aide de l'un de leurs portails. Et c'est tout !"

La jeune démone essayait de reprendre son calme, en espérant que sa fourberie fasse mouche aux yeux de la Reine.
Bien trop orgueilleuse, elle refusait catégoriquement de citer que si elle avait "honteusement" accepté de se faire escorter jusqu'au Bourg,
par l'ennemi, c'était surtout pour fuir la Reine elle-même.

"Rassurez-vous ! Le premier à vous avoir mentionné pendant la bataille est mort ! C'était ce démon à la hache... Ensuite..."

Churipu marqua une pause.
Elle pensait encore à protéger l'identité d'Akira, et la Reine ne semblait étrangement pas vouloir en apprendre plus sur ce dernier.
Mais cela finirait certainement par arriver.

"Ce démon aux cheveux blonds qui m'a sauvé a prétendu être enrôlé dans la bataille au même titre que nous-autres...
Sauf que je ne l'avais pas vu avant ça..."

Churipu avait vraiment les idées embrouillées. Elle se sentait entrer dans un jeu plutôt dangereux. Peut-être qu'Akira était un ennemi après tout.
Bon, il s'était interposé devant Tsukimeru, prêt à l'affronter, quand ce dernier les avait menacé. Donc il ne faisait pas parti de l'armée d'Ernelzya, ni de Mythra...
Et puis il était plutôt sympathique après tout...

*Quelle histoire compliquée* pensa-t-elle en soupirant.

"Enfin, n'ayez crainte, j'ai bien trop peur pour ma vie, pour vous trahir d'une quelque façon que ce soit..."

Elle reprenait ses esprits peu à peu.
Et contre toute attente...

"Vous connaîtriez un certain... Akira Oni ?"

L'autorisation lui ayant été accordée, Churipu tourna donc les talons, en direction du salon où l'attendait son domestique.

Quand elle franchit la porte, ce dernier lâcha un profond soupir de soulagement.

"Mademoiselle, je suis si content de vous savoir en vie ! J'ai eu la peur de ma vie, si vous saviez..."

"Pas le temps pour les éventuelles démonstrations d'affection !" ordonna Churipu en lui coupant la parole.

"Notre travail avec la Reine n'est pas fini ! Nous devons nous rendre à l'Ecole d'Ernelzya, où je compte bien me faire engager comme jardinière ! Tu auras pour tâche de m'assister..."

"Oui Mademoiselle... Mais euh..."

"Et je t'interdis de poser la moindre question, ou de prononcer la moindre parole concernant la Reine... Sinon..."

La demoiselle Lapin fit le choix de ne point finir sa phrase, histoire de bien faire comprendre son rôle au domestique. Il n'était plus question de jouer les touristes sur l'île...
Il allait leur falloir beaucoup d’habilité pour duper les directeurs de l'Ecole, et Churipu n'était à l'abris d'aucune suspicions, étant donné que Tsukimeru connaissait désormais son visage.

Le domestique s'inclina poliment, acceptant son triste sort. Après tout, il était payé pour ça...

Les deux compagnons faisaient, à présent, route, pour retourner sur Ernelzya, et gagner la célèbre Ecole le plus rapidement possible.


[Fin du RP]